jeudi 30 mai 2019

Musicothérapie didactique, réflexions

Le stage didactique de l'AMGx, Atelier de Musicothérapie de Gistoux, s'est déroulé du 25 au 28 mai 2019.
Excellent travail des stagiaires, beaucoup d'énergie, de remise en questions, d'investissement, d'émotions. Merci à tous! Merci à ceux qui nous ont rejoint pour nous apporter leur éclairage.
Merci à  toi Cécile pour ton expérience de formatrice, c'était une force de t'avoir à mes côtés.

Tout cela va encore décanter, néanmoins voici quelques réflexions:

La didactique, du grec didaskein, enseigner, prend un sens bien particulier en musicothérapie, plus proche de la psychanalyse où Freud "fit ressortir la nécessité pour toute personne voulant pratiquer l'analyse de se soumettre auparavant elle-même à cette expérience chez un analyste qualifié" Wikipédia

La musicothérapie didactique ramène le musicothérapeute au centre de sa mission: entrer en relation afin d'ouvrir les canaux de communication de la personne en partant de son histoire, de ses moyens d'expression.

Dans le cadre bienveillant et sécurisant de la formation, le future musicothérapeute va être tour à tour musicothérapeute, participant ou observateur. Cela permet de prendre conscience que le ressenti de l'observateur est différent de celui des participants et de ne pas entrer dans l'interprétation sauvage.
Dans le cadre de la formation, dans un cadre géographique défini et dans un temps défini, le musicothérapeute tente d'entrer en relation. Il prévoit un setting: un, plusieurs ou pas d'instruments, une musique ou non, le cadre sonore de la salle, lui est là toujours à disposition comme moyen d'expression. Puis c'est l'univers vaste du non-verbal qui prend place.
Chacun en conscience avec son être profond, son histoire, lâche prise et laisse s'exprimer son corps: souffle, voix, claquement de langue, frottement, percussion corporelle, à travers l'instrument, en utilisant le cadre sonore. Le musicothérapeute, lui est là, laissant l'espace d'expression, entrant en résonance avec les sons, gestes, rythmes, le silence qui parfois envahit l'espace. "On ne peut pas ne pas communiquer" nous apprend l'école de Palo Alto. L'immobilité et le mouvement sont tous deux une manière de communiquer. Communiquer quoi? C'est un mystère à décoder sans se presser, au risque de mal interpréter.
Lors de la séance, c'est un jeu d'imitation, de répétitions dans la variation, de questions/réponses, qui permet à chacun d'entrer en relation avec les autres, de s'exprimer librement. Le musicothérapeute peut utiliser par moment la musique, parfois il ne le fait pas. Toutes ces interactions font d'ailleurs partie de la musique: un thème qui se déploie dans la répétition et la variation, un tempo qui s'accélère et ralentit, une intensité qui monte et qui descend, des variations de timbre comme des vagues mouvantes, qui montent en crescendo ou aboutissent au silence. Ces flux et reflux de l'expression libre sont possibles car il y a un contenant, un peu comme des vagues dans un verre d'eau. Ici, le musicothérapeute est ce verre qui contient l'eau, ne la laisse pas sortir du verre. C'est un verre souple qui amortit les chocs et les épouse. Il répond aux propositions, respecte les silences, établit une relation bienveillante avec tous, parfois ici, parfois là, parfois en retrait mais sa présence est tangible pour les participants. Il ne les envahit pas mais ne les abandonne pas non plus.
Tout cela est possible si le musicothérapeute oublie la toute puissance, les éventuels rêves de mener sa troupe vers un but décidé à l'avance, par tous les moyens dont il dispose, des propositions incessantes, un scénario prévu à l'avance.
Si on compare sa séance à la musique, ce n'est pas un chef d'orchestre qui guide chaque musicien dans telle ou telle direction mais plutôt une improvisation libre avec un capitaine garant de cette liberté et qui veille à ce que chacun puisse prendre sa place, apporter sa personnalité à l'oeuvre, que cette oeuvre mouvante puisse à chaque instant aller vers de nouvelles variations.
On est dans une musique du corps ou plutôt des corps qui communiquent entre eux.
Lors d'une séance (j'étais hors du cadre, en tant que formatrice), j'eus une image, celle d'un troupeau de dinosaures dont les voix étranges se répondaient en un chant archaïque et beau dans sa spontanéité, ses flux et reflux. Lors de cette séance, un seul objet intégrateur: 8 boomwackers, tuyaux de différentes longueurs produisant des sons de hauteurs différentes. Les boomwackers furent au service de la relation: tour à tour objet pour voir, amplifier le son, permettre l'écoute, l'expression par la voix, la percussion, le son en les laissant simplement tomber, des notes naissant de cette chute, faisant naître des mélodies étranges, des combats d'épées mélodiques.
Ce fut une oeuvre libre, fruit de l'expression de personnes entrant en relation, allant de découvertes en découvertes de canaux de communication, des autres et d'elles-mêmes.
Ce n'est pas faire de la musique, faire des notes mais bien agir en pleine conscience, rencontrer les autres et se rencontrer soi-même avec notre corps, notre histoire, prendre conscience de son potentiel créatif, de ses propres canaux de communications, de ses limites et contradictions, parfois des fenêtres vont s'ouvrir ou non.
Lorsque le musicothérapeute sera en séance avec la ou les personnes qu'il a pris la responsabilité d'accompagner sur son ou leur chemin, il le fera en se connaissant un minimum lui-même, sachant ce qui le met en péril, dans quoi il est moins à l'aise, dans quelles situations il est créatif, dans son élément, peut entrer en résonance. Cela lui permettra de ne pas le découvrir face à la personne, de définir avec quel public travailler.
En retournant en didactique régulièrement, il pourra prendre conscience des canaux ouverts, d'un potentiel ignoré ou grandissant.
Ceci est possible grâce au cadre bienveillant et sécurisant de la formation. Se trouver confronté à soi-même n'est pas une mince affaire, beaucoup d'émotions naissent, de doutes, de remises en questions qui permettent d'avancer, de cheminer sur ce chemin qui fera de nous, chaque jour un peu plus, des musicothérapeutes à la fois en confiance et humbles, de cheminer avec des personnes en souffrance.
Celles-ci rencontreront une personne prête à s'investir en être authentique sur le chemin qu'elles suivront vers un mieux-être.

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