jeudi 27 mars 2014

cueillir l'instant


Extrait d'un atelier musique

Écoute de Gnossienne n°1 d'Erik Satie interprêtée avec excellence à la guitare par Roland Dyens.

J'avais choisi ce morceau pour démarrer un atelier musique à la résidence du Nil. Après l'avoir écouté moi-même, j'avais ressenti une impression de tourner en rond, comme l'on fait quand on a des idées noires qui tournent dans la tête. L'autre jour ma fille revient avec un devoir qui m'interpelle. Une image à analyser: des hommes marchant l'un à côté de l'autre, un ballon à la main. Non pas un ballon, un nuage attaché au poignet. Ils marchent l'un à côté de l'autre mais ne se voient pas, ils courbent le dos et regardent leurs pieds.

Mon idée était de leur faire lâcher un ballon imaginaire, ce ballon d'idées noires, pour après, expérimenter le triangle, comme une baguette magique qui permet de cueillir l'instant, de crever le nuage et retrouver une éclaircie, une étincelle qui éclaire tout d'un jour nouveau. Comme le regard de l'enfant qui s'étonne, interroge, avide de découvrir et d'apprendre. Rallumer notre regard pour casser la routine, mot détesté entre tous. Routine, fatalité, mort.

Lorsque je leur fais écouter le morceau en question, bande de lancement de ma séance, je vois les figures s'allonger, se décomposer, je regrette aussitôt d'avoir choisi ce morceau, beau certes , mais qui a une action encore plus forte sur elles que sur moi. Il déclenche en elles de l'émotion, de la tristesse, de la nostalgie, de l'abattement, elles qui sont presque continuellement plongées dans la routine. Routine que je m'efforce d'ailleurs de rompre à chaque fois. J'arrête la musique, ne pouvant supporter un instant de plus de voir leur figure. Je leur propose alors de lâcher chacune un ballon imaginaire représentant leurs soucis, idées noires,... Les visages s'éclairent d'un seul coup! Puis, je leur fais entendre le son produit par le triangle, un coup, comme une baguette magique qui nous refraîchit, nous redonne l'esprit d'enfance. Toutes expérimentent le triangle, chacune à sa façon. Nous découvrons aussi que lorsqu'il est frappé rapidement et intensément plusieurs fois d'affilée, la vibration se prolonge et le silence nait, un silence après lequel tout peut naître, reposant, réparateur, porteur d'espoir. Puis je leur fais entendre « Les fées » d'Yves Duteil, morceau incarnant l'esprit d'enfance par excellence, elles s'émerveillent...
La monotonie est rompue, la sale routine qui tue la vie est remplacée par un regard étonné, émerveillé. J'ai gagné encore une fois et mon coeur est en fête.

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